En 1987, au lieu-dit Les Coudres, les "Ciments français" réalisent des creusements pour l’aménagement de leur siège social. Ils révèlent involontairement une zone où la terre est brûlée et associée à une grande quantité d’une matière blanche. Il s’agit des vestiges d’un four gallo-romain utilisé pour la réalisation de chaux. Celui-ci est entièrement fouillé en 1989 par le Service archéologique départemental des Yvelines.

 

La chaux est un matériau de construction et d’amendement (d’enrichissement) des sols largement utilisé durant l’Antiquité. Elle est obtenue à partir de la calcination de blocs en calcaire. Après la cuisson des blocs, on ajoute à la poudre obtenue de l’eau et du sable ou du tuileau (tuiles pilées) pour former le mortier. Sans l’ajout de ces éléments, la chaux se fissurerait en séchant, perdant par conséquent sa qualité principale de liant.

 

L’utilisation de la chaux est ancienne : elle sert de matériau de construction en Égypte puis dans la Grèce antique. Avec la Conquête romaine, son usage s’accentue au nord de la Gaule. Ainsi, les Gallo-Romains vont l’employer comme composant principal de leur mortier, tout comme les maçons aujourd’hui...

 

 

Construction du four et mode de cuisson

Creusé dans le sol, le four de Guerville est composé de deux fosses : une fosse circulaire destinée à la combustion des pierres et une aire de chauffe rectangulaire servant à l’alimentation du feu. Les parois de la fosse circulaire sont doublées par des pierres sèches (meulière et calcaire) afin de supporter la charge des blocs de calcaire à brûler.

 

Entre les deux fosses, un mur est aménagé avec des pierres résistantes au feu. Une ouverture appelée alandier ou "gueulard" est préservée pour que le chaufournier (ou chaulier) introduise le bois dans la fosse de combustion et entretienne le feu.

 

Une structure voûtée en bois est construite dans la fosse de combustion afin de supporter la charge de pierres et d’aménager un espace pour le feu. Elle sera brûlée au cours de la cuisson. Le chaufournier charge les blocs de calcaire sur cette voûte jusqu’à 4-5 mètres de hauteur. Le tout est recouvert de terre pour préserver la température lors de la cuisson. Le feu est allumé dans l’aire de chauffe, puis le bois est poussé par l’alandier dans la fosse de combustion à l’aide d’une pelle ou d’une fourche.

 

La cuisson s’élève à plus de 1 000 °C et se prolonge pendant quelques jours. Le refroidissement dure plusieurs heures avant de pouvoir détacher des blocs de chaux qui seront à réduire en poudre. 

 

 

De la chaux pour quel usage ?

La commune de Guerville est située dans une région densément occupée pendant la période gallo-romaine : plusieurs villae, sanctuaires et petites agglomérations y ont été découverts. Notamment, à quelques dizaines de mètres du four avait déjà été repéré, dès 1890, un vaste habitat antique d’environ 3-4 hectares (une villa ?) mais qui n’a pas encore été fouillé.

Pour l’utilisation du four, deux hypothèses sont donc envisageables :
- celui-ci est édifié en même temps que l’établissement antique et sert à sa construction,
- il est aménagé plus tard, dans le but de le rénover ou de l’agrandir.

 

 

Un four abandonné

 

Lors de sa découverte, la charge de chaux comblait encore l’ensemble du four indiquant qu’il avait été abandonné pendant la cuisson. Les archéologues supposent qu’une forte pluie serait à l’origine de l’arrêt brutal du travail. L’orage aurait éteint le feu et transformé la chaux en masse pâteuse, provoquant alors l’obstruction du gueulard, avant de se solidifier.

Un lot de quatre céramiques quasi-complètes (jattes tripodes, urne, assiette) découvert dans le remblai de l’aire de chauffe permet de situer cet abandon autour du IIIe siècle après J.-C.

 

 

Un vestige toujours visible et à découvrir !


Après la fouille, la commune de Guerville a décidé de préserver le four et de permettre les visites en aménageant un abri durable qui le protège. Son accès est fermé à clé, mais il reste visible au travers des vitres de l’abri. Une visite commentée peut être organisée pour les groupes sur RDV (contacter le pôle Médiation du service). Le bâtiment est à proximité d’une aire de parking, à l’entrée nord de la ville, le long de la RD 158.