L'étude archéologique de l'église Saint-Rémi

Un programme de travaux lancé par la mairie pour la confortation de l’édifice très instable a déclenché la prescription d’un diagnostic archéologique.

En effet, l’église est construite sur une plate-forme artificielle aménagée dans une butte sableuse, une des causes probables des désordres architecturaux affectant le mur gouttereau nord et le chevet. Un diagnostic puis une surveillance de travaux de restauration ont ainsi été menés en 2011, par le Service archéologique des Yvelines.


La documentation archéologique sur le secteur se bornait, jusque-là, à quelques informations recueillies par un instituteur au cours de travaux menés à la fin du XIXe siècle. Celui-ci signalait, à 80 m au nord-est, une nécropole du premier Moyen Âge (ou haut Moyen Âge) et évoquait quelques objets exhumés lors d’un chantier de restauration dans la nef. 

L’étude des édifices : une approche croisée


L’étude archéologique préventive de l’église s’est déroulée en deux étapes successives : 

 

1 - Une étude préliminaire de l’architecture du bâtiment, combinée à une recherche en archives. De premières hypothèses ont ainsi été établies sur les différentes phases de construction du monument. Par exemple, les baies du chevet sont similaires à celles d’édifices datés de 1540-1560, comme à Vétheuil, Nucourt, Pontoise ainsi qu’au château et à l’église d’Écouen (Val-d’Oise).

Par ailleurs, un érudit, féru d’archéologie, A. De Dion (1823-1909) a décrit dans ses notes le vitrail du chœur – aujourd’hui disparu – sur lequel la date de 1550 était écrite (cf. Archives départementales des Yvelines). Le recoupement de ces informations a alors suggéré une datation du milieu du XVIe siècle pour la construction du chevet actuel.


Cependant, cette démarche historienne n’a pas toujours été efficace car les détails architecturaux internes trahissent une succession de travaux pour laquelle l’évolution chronologique n’a pu être déterminée. L’exemple de la construction du collatéral nord est caractéristique de cette situation. Plusieurs datations avaient été avancées quant à sa construction durant le Moyen Âge, mais aucun argument fiable ne pouvait être proposé par l’étude stylistique ; l’aspect des colonnes et des voûtes ayant été modifié à plusieurs reprises.

 

2 - L’opération de terrain, préalable aux travaux de restauration, a constitué la seconde et principale étape. Les sondages ont été placés aux endroits où des éléments de béton devaient venir renforcer les murs. Les ouvertures ont donc eu lieu à la base des colonnes du mur gouttereau nord et tout le long de l’intérieur du chœur. Malgré la petite superficie concernée (36 m²), des découvertes inédites ont été faites. En comparant ces résultats aux questions soulevées lors de l’étude préliminaire, il est possible d’établir une nouvelle histoire de l’église Saint-Rémi de Marcq.

 

 

Petite histoire médiévale de l’édifice religieux


L’édifice trouve vraisemblablement son origine avant le début du XIIe siècle. Une première mention apparaît en effet dans une donation de l’église par le seigneur Goisfred de Marcq au prieuré de Saint-Évroult dans les années 1105. Les plus anciennes maçonneries subsistantes se résument au mur gouttereau sud, à un contrefort dissimulé dans un des murs de la tour datée du XVIIIe siècle et à une section de la façade occidentale. On y distingue encore une entrée en arc brisé ainsi qu’un oculus .

 

Mais à l’issue du diagnostic, ce sont plusieurs phases de construction de l’édifice qui peuvent être détaillées en s’appuyant sur des arguments architecturaux et stratigraphiques, corrélés à la datation du mobilier (céramiques, vitraux, monnaies). À ce sujet, la découverte d’une matrice de signet en bronze est suffisamment rare pour être signalée (cf. l’encadré en fin d’article).
Ainsi, au moins cinq phases architecturales, échelonnées des XIIe-XIVe siècles au XVIe siècle, ont été décelées. Elles permettent de mieux comprendre l’évolution du plan de l’église, et particulièrement de son chevet.

- Phase 1 : un premier chevet, de forme indéterminée, terminant la nef de quatre travées a été complètement détruit par la construction du collatéral nord au XVe siècle (phase 2), puis par l’ajout, non daté, d’une travée supplémentaire en direction de l’est (phase 3).

- Phase 4 : au début du XVIe siècle, un nouveau chevet à pans coupés a été bâti et rapidement remplacé, dans les années 1550, par le chevet à cinq pans encore visible aujourd’hui (phase 5).
On constate, en outre, que les évolutions du bâti aux XVe et XVIe siècles coïncident avec le rythme des changements des propriétaires de la seigneurie de Marcq, parmi lesquels, Raoul Moreau, intendant des finances d’Henri II. Grand bâtisseur, celui-ci s’approprie notamment la région de Thoiry dans le courant du milieu du XVIe siècle.

 

 

Un lieu d’inhumation dès le Moyen Âge


Les sondages ont aussi permis de découvrir, de part et d’autre du mur gouttereau nord et le long de la façade interne du chevet, des sépultures et d’évaluer l’étendue de l'espace funéraire. 61 individus ont été dénombrés, répartis de façon suivante :
- 26 individus correspondent à des sépultures en position "primaire" (tels qu’ils ont été inhumés) : 15 adultes, 4 immatures et 3 périnataux ;
- un minimum de 35 individus ont pu être isolés des ossements retrouvés dans des remblais (21 adultes, 8 immatures et 5 périnataux).

 

Du point de vue chronologique, trois à quatre sépultures appartiennent au cimetière paroissial, situé à l’extérieur de l’église, contemporain du premier état de l’édifice. Il trouve ses origines, au plus tard, au XIIe siècle.

Une deuxième phase d’inhumation correspond aux enfouissements à l’intérieur de l’édifice, postérieurs à l’extension du collatéral. Elle démarre dans le courant du XVe siècle et pourrait perdurer jusqu’au XVIIIe siècle. Pour cette phase, le dépôt en pleine terre d’individus allongés sur le dos, les membres en extension, enveloppés dans un linceul et descendus dans la fosse sépulcrale sur un support en bois (cercueil ?), semble avoir constitué le modèle dominant, quelle que soit la classe d’âge.

 

Concernant le recrutement du cimetière, on constate la présence d’individus issus de plusieurs classes d’âge et des deux sexes. Les inhumations mises au jour dans les sondages donnent l’impression d’une densité élevée. Cependant, la faible surface fouillée à l’échelle du site ne permet aucune affirmation.

 

Une nécropole du premier Moyen Âge, mentionnée au XIXe siècle à quelques dizaines de mètres de l’église, n’a pas été observée lors du diagnostic. Il existe probablement un déplacement chronologique entre ces deux espaces funéraires.

 

 

 

Un objet singulier

 

Parmi les objets recueillis, une matrice servant à apposer une signature se détache. L'objet en alliage cuivreux et de forme circulaire (16 mm de diamètre) est surmonté d’un appendice conique muni d'un anneau quadrilobé. Un repère extérieur constitué d’un trait gravé permettait à son utilisateur de tenir la matrice dans le bon sens au moment du scellement. Au centre du disque, délimité par un double cordon, est figuré un cochon ou un sanglier "passant" (en marche) surmonté d’une légende, assez peu lisible : C . A I V S. Sa forme de "pion" ainsi que le lettrage permettent de le rattacher au XVe siècle. Sa petite dimension et la légende peu compréhensible tendraient à l’interpréter comme un signet plutôt qu’un véritable sceau personnel (lien vers une matrice de sceau découverte à Chevreuse). Il s’agit d’une trouvaille intéressante en matière de sigillographie car ces matrices sont particulièrement rares.